Toxoplasmose : 3 bonnes raisons de vous réjouir d’être Toxo – !

Ô joie ! Vous apprenez que vous êtes enceinte. Vous bravez votre phobie des aiguilles pour un bilan sanguin, et là, horreur : on vous apprend que vous êtes « Toxo – ». On ne vous donne pas plus de détails et vous ne savez pas vraiment ce qu’est cette fameuse toxo, mais ce dont vous êtes sûre, c’est que vous êtes partie pour une prise de sang mensuelle pendant neuf mois ! Cette situation vous évoque quelque chose ? Aujourd’hui votre vétérinaire de garde vous donne 3 bonnes raisons d’apprécier le fait d’être Toxo - ! 

Mais d’abord, de quoi parle-t-on ? Ou plutôt, de qui ? 

La toxoplasmose est une maladie parasitaire. Elle est causée par une bestiole microscopique relativement informe qui s’appelle Toxoplasma gondii. 

Toxoplasma gondii

Toxoplasma, comme beaucoup de parasites, a globalement un seul rêve : se faire manger ! Il peut vivre à plusieurs endroits : 

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Cycle du toxoplasme : extrait du document Toxoplasmose : état des connaissances et
évaluation du risque lié à l’alimentation de l’ANSES, d’après Dubey et Beatty, 1988

 

  • Dans l’environnement, sous la forme d’une sorte d’œuf. On le trouve par exemple sur un brin d’herbe, sur une banale petite graine de maïs ou encore sur une laitue du potager. Pour lui, c’est pas le pied, y’a pas grand-chose à faire, mais il résiste quand même très longtemps sous cette forme. 

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  • Dans un hôte intermédiaire. Qui est cet hôte ? C’est un animal à sang chaud (n’importe lequel, donc au hasard nous, un mouton ou encore une souris) qui peut se contaminer de deux façons : 

– Soit en mangeant des œufs présents dans l’environnement (le mouton en broutant le brin d’herbe, la souris en grignotant le maïs et l’humain en consommant sa laitue mal rincée),  

– Soit en mangeant un autre hôte intermédiaire contaminé (c’est le cas de l’humain qui mange le mouton qui a brouté l’herbe avec des œufs dessus. Ou qui mange la souris qui a mangé le maïs (on ne sait jamais). Vous me suivez ?) 

 

Chez son hôte intermédiaire, le toxoplasme peut se multiplier. Si cet hôte a une immunité en pleine forme (ce qui n’est pas le cas d’une femme enceinte ou d’un fœtus), il va produire des anticorps qui vont obliger le parasite à former des kystes là où il se multipliait, à savoir les muscles et le cerveau essentiellement. Dans ces kystes, le toxoplasme ce peut normalement plus rien faire, et la personne (ou l’animal) est immunisé à vie : ce sont les gens qui sont « Toxo + ».

Les « Toxo - », si vous suivez bien, n’ont donc jamais été infectés par le Toxoplasme et ne sont pas immunisés. Ils n’ont pas non plus de kyste dans les muscles ou le cerveau. 

Mais revenons sur notre souris qui est maintenant Toxo +. Elle est immunisée, on pourrait se dire qu’elle est tirée d’affaire et que ce fichu parasite va lui ficher la paix. Sauf que c’est oublier un point essentiel : le toxoplasme, prisonnier de son kyste, ne rêve que d’une chose : se faire manger à nouveau ! Mais si possible, maintenant qu’il a pris le temps de mûrir dans son hôte intermédiaire, il est à la recherche de son hôte définitif : le chat ! 

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  • L’hôte définitif est donc votre matou, qui se contamine en chassant, essentiellement des souris, mais pourquoi pas un mouton ou un homme (plus d’informations sur la machiavélique stratégie du Toxoplasme pour faire consommer son hôte intermédiaire au point n°2 : vous n’aimeriez pas être à la place de cette souris).

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Pourquoi le toxoplasme tient-il tant à se retrouver chez un chat ? Parce que c’est le seul animal qui lui permet d’atteindre un stade où la reproduction sexuée lui est accessible ! Chez l’hôte intermédiaire, point de galipettes. Et du coup, le chat est le seul animal à pouvoir émettre les œufs du parasite dans ses selles. Ses œufs se retrouvent sur l’herbe du mouton, sur la graine de la souris ou sur votre laitue dans le potager, et le cycle peut recommencer.  

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Le problème d’être Toxo – existe essentiellement au moment de la grossesse (et pour les personnes immunodéprimées). Ce n’est pas tant pour la femme enceinte qu’il existe un risque, mais pour le fœtus : sur environ 950 000 grossesses annuelles en France, on estimait en 2006 qu’il y avait environ :  

  • 2700 femmes enceintes Toxo – qui se contaminaient pendant leur grossesse.
  • Parmi celles-ci, les fœtus étaient infectés à leur tour dans 600 cas (on parle alors de toxoplasmose congénitale, ce qui est une maladie grave). 
  • Et parmi ces 600 cas de toxoplasmose congénitale, 150 fœtus présentaient des séquelles liées à la maladie. 

Autrement dit l’incidence de la toxoplasmose congénitale est de un cas pour environ 1583 grossesses (c’est beaucoup) et un bébé atteint sur 4 présentera des séquelles de la maladie (c’est beaucoup aussi). C’est pour cela qu’en France, on dépiste mensuellement la toxoplasmose chez les femmes Toxo -, dans l’espoir de pouvoir tenter un traitement du fœtus en cas d’infection et de lui éviter d’éventuelles séquelles. 

Une fois qu’on a dit ça, on se dit : « Effectivement, autant être Toxo + avant de démarrer sa grossesse. Non seulement on est tranquilles au niveau des prises de sang, mais en plus c’est quand même un sacré risque évité pour le bébé ! ». Mais comme je vous l’annonçais, aujourd’hui je vais plutôt vous parler de 3 raisons qui pourraient vous éviter de regretter d’être toxo -. 

Raison n°1 de vous réjouir : Non, vous n’aurez pas besoin de vous débarrasser de votre chat. Par contre vous pouvez oublier la corvée de litière ! 

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Hé oui, c’est encore un appel courant chez les vétérinaires ! Un médecin, une sage-femme, un membre de la famille l’a dit et c’est la panique : il faut faire euthanasier ce chat, source de contamination et donc de danger pour l’enfant, ou au strict minimum, abandonnez-le, s’il-vous-plaît madame ! 

Sauf que la contamination directe d’un chat vers un humain par manipulation est très, très rare (la preuve, vous vivez avec ce matou depuis des années et vous êtes toxo - !). Dans l’ordre, les humains se contaminent : 

  • Très majoritairement en mangeant la viande d’un hôte intermédiaire insuffisamment cuite. 
  • Un peu plus rarement en consommant des légumes (ceux du supermarché ou du potager, peu importe) sur lesquels se trouvent des œufs. 
  • De façon bien plus rare, en consommant des œufs qui se seraient trouvés directement sur le chat ou dans ses selles (mais vous mangez souvent des selles de chat, vous ?). 

Autrement dit, il y a des recommandations très intelligentes pour éviter une toxoplasmose congénitale : 

  • Cuire sa viande à cœur (et éventuellement la congeler à -18°C minimum avant de la consommer si on veut faire du zèle, parce que ça aussi ça tue les parasites dans leur kyste). 
  • Cuire ses légumes autant que possible, et bien, bien, laver ses crudités à l’eau claire (et s’en méfier au restaurant). Le vinaigre dans l’eau n’aide pas. 
  • Faire nettoyer quotidiennement la litière de Minet à l’eau bouillante par quelqu’un d’autre pendant que vous regardez votre série préférée. Ou au pire, si vous n’avez VRAIMENT personne sous la main, le faire vous-même, mais en portant des gants. 
  • Toujours se laver les mains avant chaque repas (ou grignotage intempestif ;) ). 

 Et il y a des recommandations idiotes, comme : 

  • Euthanasier votre chat. 
  • L’abandonner. 

C’est à peu près aussi pertinent que de vous conseiller de jeter votre ordinateur, parce que sait-on jamais, il pourrait vous exploser au visage. Statistiquement, vous avez sans doute plus de risque  de perdre votre bébé dans un accident de voiture en emmenant votre chat pour euthanasie chez le véto, qu’en continuant de caresser votre boule de poil ronronnante ! 

Raison n°2 de vous réjouir : vous n’aimeriez pas être à la place de cette souris. 

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Peut-être, quand vous étiez petits, avez-vous lu/vu une ou des œuvres de science-fiction qui mettait en scène des extra-terrestres parasitaires qui prenaient le contrôle du cerveau des êtres humains en s’y introduisant. Ca fait peur ? Hé bien ne cherchez plus comment les auteurs allaient imaginer tout ça, ce parasite existe déjà quasiment et il est inutile d’aller le chercher dans une autre galaxie : il s’appelle Toxoplasma gondii ! 

Vous vous souvenez de cette brave souris qui n’avait rien demandé à personne, et qui se contamine en mangeant un pauvre grain de maïs ? Bon certes, Toxoplasma rêve de se faire consommer tout cru par un bon gros matou pour y démarrer sa vie sexuelle, mais il pourrait se contenter d’attendre et d’espérer le passage du chat du voisin, non ?  

Hé bien pas du tout. Par un mécanisme encore mal expliqué, le parasite va supprimer un instinct profondément ancré dans le cerveau de la souris : sa peur de l’odeur… d’urine de chat ! Au lieu de fuir cette odeur, qui marque la présence d’un prédateur dans les parages, la souris qui présente des kystes de toxoplasmes dans son cerveau n’hésite pas à s’en approcher, précipitant ainsi son funeste destin. 

Honnêtement, qui voudrait d’un passager aussi manipulateur dans son cerveau ? 

Raison n°3 : Et si nous étions déjà la souris ? 

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Depuis une vingtaine d’années, de nombreuses études ont porté sur l’existence éventuelle d’un lien entre la présence de kystes de toxoplasmes dans le cerveau humain (je rappelle que c’est le cas de tous les Toxo +, hommes ou femmes) et le fait d’être atteint de schizophrénie. En effet, les personnes atteintes de cette maladie sont plus souvent Toxo + que les autres. Étant donné les effets de Toxoplasma sur le cerveau et le comportement de la souris, on peut se demander si nous autres humains ne pourrions pas également être affectés d’une façon ou d’une autre… 

Attention, on en est encore largement au stade de la recherche, et le lien de cause à effet n’a pas été définitivement établi. Mais dans le doute, on est encore une fois en droit de se réjouir d’être Toxo - ! 

 

Sources : 

Sur le site de l’ANCES, vous trouverez plusieurs articles très bien faits et accessibles. https://www.anses.fr/fr 

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19825110 

http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0075246 

 Crédits photos :

Photo credit: Rum Bucolic Ape on Visualhunt /  CC BY-ND
Photo credit: Martin Cathrae on Visualhunt.com /  CC BY-SA
Photo credit: wolfsavard on Visualhunt /  CC BY
Photo credit: Paul!!! on Visual Hunt /  CC BY-ND

 

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